[Yan, Lianke] Le rêve du village des Ding

Résumé : Sous les rayons du soleil couchant, la plaine du Henan est rouge, rouge comme le sang. Ce sang que vendent les habitants du Village des Ding pour connaître une vie meilleure. Mais, quelques années plus tard, atteints de la "fièvre", ils se flétrissent et quittent ce monde, emportés par le vent d'automne comme des feuilles mortes. Seul le fils du vieux Ding, qui a bâti sa fortune sur la collecte du sang, continue de s'enrichir en vendant des cercueils et en organisant des "mariages dans l'au-delà" pour unir ceux que la mort a séparés.

Le Rêve du Village des Ding est un roman bouleversant. Bouleversant par la tragédie qu'il raconte, bouleversant parce qu'il n'est que la fiction d'une réalité plus terrible encore. C'est l'histoire de centaines de milliers de paysans du Henan contaminés par le sida que l'auteur évoque dans ce roman d'une émotion poignante, traversé de rêves et de prémonitions. "Colère et passion sont l'âme de mon travail", dit Yan Lianke. Son livre est toujours interdit en Chine et l'auteur privé de paroles.



Éditeur : Éditions Philippe Picquier
Date de parution : janvier 2007 (Grand Format), février 2009 (Poche)
Prix :  20,00 € (GF) 9,50 € (Poche)

Mon avis :

J'avais initialement placé ce livre en "science-fiction" car je m'attendais à lire un récit un peu dystopique.    Alors oui il y a quelques éléments relevant peut-être de l'utopie (toute utopie n'est-elle pas condamnée à devenir une dystopie selon Frédéric Rouvillois ?) mais c'est avant tout un roman sociétal critique. Un récit de vie. Une critique rêvée peut-être ?  

L'histoire est "simple" : des petits villages chinois se voient prospérer en vendant leur sang au gouvernement. Il y a une certaine réglementation (temps minimal requis entre plusieurs dons, centres médicaux précis, etc.) mais la demande (à faire des dons) est telle qu'un marché parallèle se met en place et le sida se propage. Le récit débute par la mort du narrateur, âgé d'une dizaine d'années, empoisonné parce que son père a participé activement à la récolte du sang. Le grand-père Ding, gardien de l'école, va transformer cette dernière en dortoirs pour les malades qui souhaitent s'éloigner de leurs proches (et éviter ainsi de contaminer ceux-ci). Mais même chez les mourants, la malhonnêteté est présente...

Je n'ai pas compris au départ pourquoi l'auteur avait choisi comme narrateur un jeune garçon mort.    Il raconte l'histoire de sa famille après son décès.    La fin apporte un sens à ce choix inhabituel. C'est original.

Il n'y a pas beaucoup d'action (tout est dans le sous-entendu et le réflexif). C'est écrit de façon assez poétique. Plus je lis des auteurs asiatiques, plus j'apprécie leur façon d'écrire. Je ne suis pas apte à juger de la langue originale, mais la traduction est en tout cas très agréable à lire.  

Avec cette lecture, on découvre certaines coutumes chinoises, on réfléchit beaucoup aux priorités de la vie (même si les habitants du village des Ding sont assez peu réfléchis, peu altruistes, prompts à juger, et influençables   ) et aux dangers de l'argent.

Il n'y a que deux personnages "bons" : le petit-garçon mort (qui représente pour moi l'innocence) mais dont on ne sait pas grand-chose puisqu'il se contente de nous décrire la vie du village, et puis son grand-père (qui doit logiquement représenter la sagesse). Le grand-père commet aussi des erreurs (il a, en toute bonne foi, poussé ses concitoyens à vendre leur sang par exemple) mais la grande différence est qu'il se remet sans cesse en question et tente vraiment de rendre heureux tout le monde (en vain...).

Spoiler:

Ne vous attendez pas à une grande aventure, mais à un morceau de vie très réaliste. Il faut aussi avoir le cœur bien accroché, car la maladie ne fait aucun cadeau.    C'est une thématique que je n'aime pas particulièrement, mais elle est bien défendue dans ce livre.

En bref, c'est un bon livre critique, porté par une jolie plume.  

Ma note :