Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants

Résumé : En débarquant à Constantinople le 13 mai 1506, Michel-Ange sait qu’il brave la puissance et la colère de Jules II, pape guerrier et mauvais payeur, dont il a laissé en chantier l’édification du tombeau, à Rome. Mais comment ne pas répondre à l’invitation du sultan Bajazet qui lui propose, après avoir refusé les plans de Léonard de Vinci, de concevoir un pont sur la Corne d’Or ? Ainsi commence ce roman, tout en frôlements historiques, qui s’empare d’un fait exact pour déployer les mystères de ce voyage. Troublant comme la rencontre de l’homme de la Renaissance avec les beautés du monde ottoman, précis et ciselé comme une pièce d’orfèvrerie, ce portrait de l’artiste au travail est aussi une fascinante réflexion sur l’acte de créer et sur le symbole d’un geste inachevé vers l’autre rive de la civilisation. Car à travers la chronique de ces quelques semaines oubliées de l’Histoire, Mathias Enard esquisse une géographie politique dont les hésitations sont toujours aussi sensibles cinq siècles plus tard.

Éditions : Actes Sud (Coll. Babel)
Date de parution : 2013 (poche)
Prix : 7,00 €

Mon avis :

Je m'attendais à une toute autre histoire en commençant ce livre, mais j'ai vite été détrompée. Plutôt qu'un récit d'aventures et de voyage, on découvre un moment précis de la vie de Michel-Ange : lorsque, sous l'invitation du sultan, il passe quelques temps à Constantinople pour concevoir un pont.
D'un point de vue artistique, c'était très intéressant : on voit certes toutes les étapes dans la conception d'un chef-d’œuvre, mais aussi tout ce qui parasite le milieu de l'art (les commanditaires, les relations politiques nécessaires, la rivalité entre génies, etc.).
Comme la Renaissance est une période que j'apprécie beaucoup , je ne peux pas dire que j'ai appris beaucoup de choses en lisant ce bouquin , mais la rencontre avec le monde ottoman de l'époque fut enrichissante. Michel-Ange se lie d'amitié avec un grand poète de là-bas, Mesihi, et ce fut un plaisir de découvrir ses vers. Quelques légendes et contes sont également rapportés et dynamisent le récit.

Spoiler:

J'ai tout d'abord été très perturbée avec la syntaxe de l'auteur : il écrit au présent et au passé composé, et c'est un type de narration auquel je ne suis pas habituée (ou du moins dans ce genre-ci). Mais je peux comprendre pourquoi sa plume séduit tant. Il sait utiliser le discours indirect libre comme personne ! Et il n'hésite pas à casser sa narration en octroyant de temps en temps un chapitre à une esclave, qui s'adresse à un Michel-Ange endormi.
Bien plus, à la fin du livre, Mathias Énard nous révèle les secrets de son travail : la part de faits historiques mais aussi les documents qu'il a retranscrits tels quels dans son roman ! Ainsi, la correspondance entre Michel-Ange et son frère est authentique, tout comme les vers du poète Mesihi. Tout était si bien inséré dans l'intrigue que je pensais vraiment qu'il s'agissait des mots de l'auteur.

Bref, c'est un chouette livre, facile à lire, très court (même un peu trop) qui séduira les admirateurs de Michel-Ange. Ce roman a reçu en 2010 le prix Goncourt des Lycéens. Je compte lire "Boussole", le prix Goncourt 2015, lorsqu'il sortira en poche, afin d'explorer plus le style et l'univers de l'auteur.

Ma note :