HHhH

Prague, 1942, opération « Anthropoïde » : deux parachutistes tchèques sont chargés par Londres d'assassiner Reinhard Heydrich, le chef de la Gestapo et des services secrets nazis, le planificateur de la Solution finale, le « bourreau de Prague ». Heydrich, le bras droit d'Himmler. Chez les SS, on dit de lui : « HHhH ». Himmlers Hirn heißt Heydrich – le cerveau d'Himmler s'appelle Heydrich.
Dans ce livre, les faits relatés comme les personnages sont authentiques. Pourtant, une autre guerre se fait jour, celle que livre la fiction romanesque à la vérité historique. L'auteur doit résister à la tentation de romancer. Il faut bien, cependant, mener l'histoire à son terme…
Un écrivain qui accomplit la prouesse d’à la fois narrer l’Histoire authentique, tout en insérant sa vision du monde […].On trouve de tout dans HHhH : on y cite Tarantino, Chaplin, Bogart, les films de Fritz Lang et de Douglas Sirk. Philippe Labro, Le Figaro.

Éditeur : Le Livre de Poche
Prix : 7,50 €
Date de parution : mai 2011

Mon avis :

Ce roman n'est pas un roman !    Ou plutôt, comme le dit lui-même l'auteur au "chapitre" 205 (page 327 de l'édition de poche) : c'est un infra roman.    L'auteur va suivre tous les codes que nécessite l'écriture historique : recherche de documentation, comparaison des sources, voyage "sur le terrain", etc. Mais il ne va pas écrire un roman (une fiction) à partir de là. Non, il va juste nous rapporter tout son processus d'écriture (n'hésitant pas à nous parler des interventions de sa famille) ainsi que commenter tous les passages romanesques qu'il commence à écrire.    C'est la première fois que je lis ce type de roman (serait-il le premier ?   ), et, bien que j'ai eu du mal à m'y faire la première centaine de pages, j'ai fini par ne plus y penser, et j'ai profité de toutes ces riches recherches.  

Laurent Binnet est un passionné qui va embrigader de force son lecteur dans sa quête de vérité.    Il veut mettre en avant les rôles majeurs qu'ont joué le slovaque Jozef Gabčík et le tchèque Jan Kubiš dans le combat contre le nazisme. Il leur avait été confié une mission (nom de code : opération "Anthropoïde"   ), celle d'éliminer Heydrich, la "bête blonde".    Mais pour arriver à cet attentat (c'est la première fois que ce mot sonne positivement dans ma tête...), il faut retracer une autre histoire, celle d'Heydrich lui-même. Monstre parmi des monstres, Heydrich a su, par son intelligence, aller au-delà que ce que le mot "crime" laisse imaginer. Terrifiant.  

Le travail d'historien de l'auteur est impeccable.    Il nous expose ses doutes, ses recherches. Il n'hésite pas à démentir un propos qu'il a tenu à peine une page auparavant.    On a l'impression qu'il écrit au fur et à mesure qu'il avance dans ses recherches. C'est presque un journal.    Il prend la peine aussi de visionner énormément de films fictionnels où Heydrich apparait (même s'il s'agit de 30 secondes d'écran) et de lire de nombreux "vrais" romans sur le IIIe Reich. Effectivement, si par exemple - comme lui - je compare HHhH avec La mort est mon métier de Robert Merle, je peux dire que les deux écrivains ne poursuivent pas le même but. Il s'agit dans le premier de rapporter l'Histoire, dans l'autre de la romancer (et je dis ça sans jugement négatif aucun !).

Le genre particulier de ce roman fait qu'il est assez long mais, proportionnellement, apporte "peu" d'informations (puisqu'il faut toujours de très nombreuses pages pour un élément). J'ai l'impression également d'en savoir autant sur l'auteur et sa démarche de recherches que sur le sujet dont il veut traiter ! Il n'y a pas de nombrilisme de la part de l'auteur toutefois, mais juste une volonté très forte de rendre hommage aux deux héros tchécoslovaques.

Ce n'est pas un roman qu'on lit deux fois, mais plutôt un dont on va marquer certains passages pour pouvoir s'y rapporter - à titre de documentation - plus tard. Son originalité formelle m'aura quand même fortement marquée.  

Bref, ce livre ravira les passionnés de la seconde guerre mondiale. Mais il pourrait troubler ceux qui s'attendent à un roman "romancé".  

Ma note :


Édit : Cela vient de me venir. On pourrait peut-être parler de mise en abîme, de "roman dans le roman"... Mais cela ne me semble pas vraiment convenir ici.