[Perrignon, Judith] Les faibles et les forts

Résumé : Ils sont un point minuscule sur une route bordée de champs de coton. Mais les voix d’une immense fatalité américaine. Ils sont partis pique-niquer à la rivière comme presque chaque jour tant il fait chaud l’été, en Louisiane. Ils sont partis après une descente de la police qui a fouillé au corps Marcus, le fils aîné, et retourné la maison. Ils sont partis noués, serrés les uns contre les autres dans la voiture. Arrivés au bord de la Red River, les plus grands se sont jetés joyeusement à l’eau. Ils n’en sont pas ressortis vivants. Ce livre s’inspire d’un drame survenu en août 2010 à Shreveport, en Louisiane. Six adolescents sont morts noyés sous les yeux de leurs proches. Chacun voulait sauver l’autre. Aucun ne savait nager. Pourquoi les Noirs ne savent pas nager ? s’interrogeait-on à la radio le lendemain…

"Atroce fait divers dont, là encore, Judith Perrignon sait extraire la très horrifique moelle." Didier Jacob, Le Nouvel Observateur.

Édition : Le Livre de poche
Date de parution : août 2014
Prix :  5,60 €

Mon avis :

Quel bouquin !    C'est court mais cela vous reste dans le ventre et l'esprit...  
Judith Perrignon part d'un fait divers récent (la noyade d'adolescents Noirs en 2010) pour construire toute une histoire riche en réflexions implicites.
Le roman est divisé en trois parties, écrites chacune différemment.  
Dans la première partie (2010, avant le drame), les personnages se succèdent comme personnages point de vue. Ils parlent en "tu", c'est-à-dire que dans de grands monologues internes, ils s'adressent aux autres personnages. C'est à la fois très perturbant, très surprenant, et très intelligent. On vit au présent, dans leur tête et on est très proche d'eux... trop proche d'eux d'ailleurs.    On s'attache alors qu'on sait ce qu'il va se passer !  
Dans la seconde partie (1949), nous avons une narration classique à la première personne du singulier. La grand-mère (petite-fille à l'époque) nous raconte ce qui arriva la première fois qu'on affirma que, légalement, rien n'empêchait un Noir d'aller à la piscine avec les Blancs.  
Enfin, dans la troisième et dernière partie (2010, après le drame), nous écoutons une émission de radio, avec différents témoignages d'experts ou d'auditeurs (j'avais envie de taper sur certains d'ailleurs !   ). Le témoignage du sauveteur est poignant (j'avais les larmes aux yeux   ). Ensuite, un des personnages (je ne vous dirai pas lequel évidemment) reprend la narration, au futur cette fois...

J'ai pleuré presque tout le long du livre, à la fois face à cette méchanceté (et surtout stupidité) de l'homme qui lui fait distinguer des "races"    ; mais aussi face à la cruauté du hasard (?) qui fait que des enfants puissent mourir aussi bêtement.  
À travers cette histoire, c'est toute la critique de notre monde qui est faite, de son Histoire. Perrignon s'interroge sur les préjugés des Blancs du passé (et hélas aussi du présent   ) mais aussi sur les croyances des Noirs aujourd'hui (dues à une Histoire très lourde)   . Cette dualité est très intéressante. Si vous aussi, vous vous demandez comment quelque chose d'aussi "anodin" que la natation peut devenir un élément du racisme ambiant, je vous invite fortement à lire ce livre. Il est aussi bouleversant que percutant !

Ma note :