[Scarling, Alice] requiem pour Sacha - tome 1 : lacrimosa

Mon appartement est vide et froid. J’ai l’impression, d’une certaine manière, que les jours se suivent et se répètent.
J’ai déjà joué cette scène. Seule. Effondrée sur le sol de ma chambre. À considérer ma vie et à me demander ce que j’ai fait pour la mériter. Sauf que ce soir, il n’y a pas que la solitude qui me maintient clouée au sol. Il y a la douleur aussi.
Je ne sais pas comment j’ai fait pour me traîner de chez Raphaël à chez moi. Mais à présent que j’y suis, j’ai l’impression que si j’arrêtais de me battre ne serait-ce que quelques secondes, je pourrais mourir de douleur.
Raphaël m’a trahie.

Je l’enverrais bien promener une fois de plus pour la forme, mais je comprends qu’il va falloir le convaincre de me relâcher plutôt que de jouer les fortes têtes. Et puis, ce qu’il dit a beau n’avoir aucun sens, il semble savoir quelque chose sur le massacre du couvent.
— Ce Lazarus était au massacre du couvent ? je demande.
— Tu devrais le savoir, tu y étais avec lui.
— Non, je vivais là-bas quand les vampires ont attaqué, je finis par cracher.
Il brandit le fouet avant de baisser le bras, sa fureur rapidement remplacée par de l’étonnement. Puis il se ressaisit et fait de nouveau claquer la lanière sur ma peau.
— Si tu y avais vécu, tu ne serais pas au service des vampires à présent, menteuse.
— Mais je ne suis pas à leur service, je les tue ! je crie.
La douleur des coups de fouet n’est rien en comparaison de la peur que je ressens à l’idée de dire la mauvaise chose et que l’interrogatoire se termine par une mort pénible.
— Pourquoi m’avoir attaqué alors ?
— J’ai cru que tu en étais un.
Un sourire terrifiant apparaît sur son visage, qui serait beau s’il n’était pas déformé par la cruauté.
— Tu mens encore.
L’espoir que j’avais de m’en sortir vivante s’étiole peu à peu.
— Non ! je lâche dans un hurlement quand son fouet me mord de nouveau la chair.
— Je n’ai rien d’un vampire, tu n’avais aucune raison de t’en prendre à moi à moins d’être à leur service.
— Tu as leur aura.
— Les humains ne perçoivent pas les auras.
— Parce que j’ai l’air totalement humaine d’après toi ?

— Les démons peuvent tomber amoureux ? je demande d’un ton sceptique.
— Eh bien oui. Pourquoi pas ?
— Ça ne fait pas très démoniaque.
Encore un sourire.
— Je ne comptais pas t’assommer de politique tout de suite mais tu dois savoir une chose sur nous. L’enfer, le paradis… ne sont pas exactement tels qu’on vous les présente à vous humains. Il n’y a pas d’un côté le bien et de l’autre le mal. Nous nous battons parce que nous n’avons pas les mêmes idéaux et que chaque parti veut imposer les siens à l’humanité. Mais crois-moi, il vaudrait mieux pour les hommes que ce soit l’enfer qui gagne. Les anges sont des pisse-froid qui interdisent tout ce qui leur déplaît. Et tout leur déplaît ! Les émotions, l’amour, le sexe, les rires… Si les anges gagnent, les hommes vivront dans un monde aseptisé, bien ordonné, où le moindre écart de conduite sera considéré comme un péché mortel.
» Les démons sont pour la liberté. La liberté d’action, la liberté de pensée… C’est un peu chaotique peut-être mais tellement plus… jouissif. J’aime l’amour, j’aime le sexe, j’aime tout ce que ce monde a à nous offrir…
— Bon, admettons, vous n’êtes pas les méchants de l’histoire, je dis pour couper court avant que des images de mon père et ma mère s’envoyant en l’air me reviennent.