[Mourlevat, Jean-Claude] Le combat d'Hiver

La Phalange, détentrice du pouvoir, écrase le pays sous sa dictature. Au cœur des internats, ces orphelinats-prisons, les enfants des opposants grandissent dans l’ignorance de leur passé. Leurs seuls instants de liberté dûment comptabilisés se présente sous la forme de visites au village des consoleuses, ces mères de substitution qui leurs donnent amour et réconfort. C’est lors de l’une de ces entrevues que Milena ne rentre pas. Dans sa fugue, elle est accompagnée par un garçon, Bartolomeo. Sa meilleure amie, Helen, ne comprend pas son geste et les raisons de cette fuite. Mais bientôt, la vérité sera dévoilée à Helen par l’ami de Bartolomeo : Milos. Ensemble, ils vont décider de suivre le même chemin que leurs amis pour les protéger contre leurs poursuivants. Sur les traces de leurs parents, ils veulent tenter de transmettre ce souffle de liberté aux peuples opprimés.

Encensé par les critiques, chaudement recommandé par les libraires (merci à la libraire de Sanary-Sur-Mer !), Le Combat d'hiver est un roman passionnant, magnifique et à lire absolument ! Cette évocation trés sombre d'une dictature imaginaire mais ô combien réaliste donne le frisson. La splendide histoire d'amour qui en est le centre est dépeinte avec tant de finesse ! L'intrigue est passionnante et le style de Mourlevat fait toujours merveille. La présence d'éléments fantastiques discrets, les hommes-chiens, les hommes-chevals, renforce encore cette impression d'un univers étrange, qui met mal à l'aise. Les consoleuses, ces étonnantes ressources d'amour maternel créent aussi l'originalité dans cet univers assez conventionnel en soi mais décrit avec brio. La géographie, l'histoire du pays semblent si proches de la réalité, on pense à de nombreux régimes dictatoriaux, les pays de l'est, l'Espagne franquiste et le Chili en particulier à cause Victor Jara, guitariste-chanteur assassiné par Pinochet. Les personnages, symboliques par moments, particulièrement humains et émouvants à d'autres instants, sont si attachants que la chute est déchirante ! Le fait que l'auteur choisisse de décrire aussi le point de vue des bourreaux permet une réflexion d'autant plus vive sur la dictature et renforce encore la noirceur du texte. Véritablement, ce roman est un perle et comme l'écrit Sophie Pilaire chez Ricochet, prouve qu'il n'est pas besoin de plusieurs volumes pour produire un texte de qualité !

En quatrième pour de bons lecteurs, puis de la troisième jusqu'à l'âge adulte, sans hésiter. Pour une étude en classe, de nombreuses pistes peuvent être explorées, la richesse du style, de l'intrigue, des personnages permet de nombreuses exploitations ! La référence historique aux jeux du cirque, avec ces pauvres gladiateurs, ainsi que la découverte progressive de ce régime dictatorial donne un point de vue trés riche à analyser sur la politique des gouvernements totalitaires. Par ailleurs la réflexion sur les minorités ethniques peut être amenée par le biais de ces êtres étranges, mi-hommes, mi-animaux.